Vers des humanités écologiques
Deborah Bird Rose, Libby Robin
Histoire, géographie, anthropologie, sociologie, philosophie, littérature, sciences politiques, droit… : nos savoirs sont profondément modifiés par l’écologie, dans leurs objets comme dans leurs méthodes.
À ces « humanités écologiques » émergentes, l’ethnographe australienne Deborah Bird Rose propose ici un programme théorique et politique ambitieux. En s’appuyant sur les savoirs écologiques autochtones, elle montre notamment pourquoi il est fondamental que nous habitions le monde avec des histoires plus justes – des « histoires vraies ».
Un texte visionnaire, pour refonder nos humanités.
On en parle
Deborah Bird Rose, amie des peuples Yarralin du fleuve Victoria, mène un travail humble de dialogue et de collecte, qui cherche des lueurs de vérité vers l’engagement.
Sommaire
Avant-propos des éditeurs
« Vers des humanités écologiques » de Deborah Rose et Libby Robin
Histoires
Connexion avec la nature et les lieux
La connexion comme mode de raisonnement
Savoirs écologiques autochtones
Défis
« Oiseaux de pluie » de Deborah Rose
Connexions
La vie au pays
Conteurs
Organisation
Changement climatique
Bonus
Avant-propos des éditeurs
Vers des humanités écologiques inaugure notre « Petite bibliothèque d’écologie populaire », la nouvelle collection de semi-poche des éditions Wildproject.
Cette collection est née dans le prolongement de l’ouvrage collectif Un sol commun : lutter,
habiter, penser, dans lequel nous avons proposé, à l’occasion des dix ans de la maison, un état des lieux des pensées de l’écologie en langue française.
Depuis environ une décennie, on assiste en effet à une explosion des livres traitant d’écologie – notamment dans les domaines de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie, de l’histoire, de la géographie, de la théorie littéraire, de l’esthétique… Avec de nombreux auteurs, traducteurs, éditeurs, Wildproject a été l’un des artisans de cette œuvre commune, aujourd’hui en pleine expansion – dans laquelle on peut légitimement voir, avec l’anthropologue Philippe Descola, « de nouvelles Lumières ».
« Pensées de l’écologie », « philosophie du vivant », « écologie culturelle », « humanités environnementales »… : la question de la dénomination de ce nouveau champ de recherche et de création n’est pas neutre, et ouvre un débat intéressant. C’est au milieu de ces réflexions, préalables à la réalisation de ce Sol commun, que nous avons découvert cet article de Deborah Bird Rose, publié en 2004 dans la revue Australian Humanities, et considéré comme un texte fondateur des humanités environnementales.
Malgré sa date relativement ancienne (eu égard au dynamisme du champ), ce texte nous a frappés par sa pertinence, sa radicalité et son exigence de penser ensemble les questions écologiques et décoloniales.
La vocation des humanités écologiques, selon les auteures, n’est pas de forger de « nouvelles histoires », mais de devenir capables de collecter les « histoires vraies » qui ont souvent échappé à notre attention, du fait de nos préjugés modernes coloniaux. Ces histoires vraies, ce sont des histoires de lieux, des histoires de vivants, des histoires autochtones, des histoires d’écosystèmes.
En arrière-plan de ce programme, une tâche théorique : s’émanciper, dans notre effort de connaissance du monde, de l’idée d’un progrès linéaire qui irait du « mythe indigène » à la « vérité scientifique » – décoloniser la construction de la vérité, pour apprendre à lire les vraies histoires dans le monde. Il s’agit, au fond, d’un programme d’alphabétisation écologique collective.
Depuis notre première lecture, nous n’avons cessé d’y revenir, de citer et de discuter ce texte. Il nous a ouvert des horizons si importants, qu’il nous semble constituer non seulement une boussole éditoriale pour la nouvelle décennie qui s’ouvre, mais un solide programme de travail pour les humanités écologiques. C’est pourquoi, après avoir envisagé de l’intégrer en annexe d’Un sol commun, il nous a finalement semblé mériter une publication à part entière.
À l’époque où ce texte a été écrit, l’expression « environmental humanities » ne s’était pas encore imposée dans le monde anglo-saxon, comme c’est le cas aujourd’hui ; et l’expression « ecological humanities », choisie par les auteures, était une dénomination plus juste, tant pour éviter la notion moderne d’« environnement », que pour revendiquer la radicalité théorique et politique de ce champ de recherche et d’action. En somme, même si les humanités environnementales sont aujourd’hui florissantes – et à la mode –, le risque existe de les voir dériver, au sein de l’université, vers une nouvelle scholastique, qui remplirait les pages des futures « encyclopédies de l’anthropocène ».
De véritables humanités écologiques sont encore à construire, avec les communautés habitantes. Parmi les premières choses qu’on en attend, c’est qu’elles recomposent les savoirs et les pratiques – et que le monde soit leur école.
Baptiste Lanaspeze
Marin Schaffner
Août 2019