Chronique des événements amoureux

Tadeusz Konwicki

Chronique des événements amoureux – Couverture Afficher la couverture Toujours afficher les couvertures ?

Chronique des événements amoureux

Tadeusz Konwicki

Littératures

avril 2017

978-2-918-490-470

244 pages

19 €

14 × 22 cm
Traduit du polonais par Hélène Wlodarczyk

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, en Lituanie polonaise, le jeune Witek rencontre Alina, la fille d’un officier, et en tombe éperdument amoureux.

Des trains, des prémonitions, un jeune homme qui parle aux animaux, la forêt qui conspire, des champs, des faubourgs, des framboises, l’air épais du printemps, le corps d’Alina : c’est l’adolescence grave, la soif d’absolu, la chaleur inquiétante de l’été 1939, l’odeur de la rivière Wilia, le frisson vertigineux des premières fois.

On en parle

Comparé à Orwell, à cause de la fiction politique, à Gombrowicz, polonais comme lui, à Kundera, pour l’ironie.

Le Nouvel Observateur

Écrivain majeur de la Pologne d’après-guerre, Tadeusz Konwicki était également une figure importante de l’école de cinéma polonaise, l’un des premiers cinéastes à s’imposer dans son pays comme un auteur.

Isabelle Régnier, Le Monde

Ce romantisme parodique et fantastique nous oriente, à la manière de Shakespeare, vers l’intrication entre la passion, la cruauté, l’humour caustique, la farce sociale, le politique et la mort ; mais la nature et les bêtes accompagnent voire fondent la puissance bouleversante du désir amoureux et sexuel.

Anne Simon, CNRS

Bonus

La première page

Voici comment tout avait commencé.
Le train, dans un long balancement monotone, s’enfonçait de plus en plus parmi les ravins sablonneux, les fourrés de genévriers, sous les tunnels ocre des pins rabougris. Un sauvage vent de printemps s’engouffrait dans le wagon et se déchaînait dans le couloir désert.
Le contrôleur moustachu perçait de son casse-noix argenté le billet de Witek. Une lanterne de laiton pendait sur sa poitrine. Du brûleur givré par le carbure s’écoulait une petite flamme bleue à peine visible à cette heure encore diurne.
– Étudiant, à ce que je vois.
– Non, pas encore, dit Witek.

Le contrôleur montra du bout de ses pinces argentées la casquette bleu marine suspendue au crochet :
– Mais elle est superbe ! Ce qu’elles sont belles ces broderies ! C’est pour ça que j’ai cru que vous étiez étudiant.
– C’est la coutume. Avant le bac, nous faisons tous broder le fond de notre casquette d’uniforme.
– À ce que je vois, il y a même quelque chose d’écrit au fil rouge.
Per aspera ad astra. C’est la devise de notre école.
Per aspera ad astra. Cela me dit quelque chose. Mais tiens, dans le wagon d’à côté, en première, il y a un véritable archevêque. Est-ce que vous l’avez vu, jeune homme ? Eh bien, alors, profitez de l’occasion. On a le droit de rester dans le couloir, en première.

Le contrôleur marchait devant en se tenant aux parois du couloir. Méfiant, il s’assurait que Witek le suivait. Dans le soufflet noir de suie qui reliait les deux wagons, ils furent saisis par le brutal fracas des roues au-dessous d’eux. Gueule ouverte de la providence. Car en ce temps-là, il arrivait encore que la voie ferrée fût le seuil de l’éternité. Le contrôleur se mit aux aguets à la fenêtre cristalline de la porte du compartiment. Il retint Witek d’une main noueuse.
– Vous voyez, jeune homme, comme il est beau ! murmura-t-il.

L’archevêque était assis immobile sur le canapé de velours rouge. Sa tête blanche était couverte d’une calotte violette. Entre ses lèvres qui murmuraient quelque chose, brillait une grosse dent en or bien nourrie. Ses mains étrangement pâles, comme traversées à jamais par la lueur des cierges, tenaient un lourd bréviaire. Il restait immobile sur le fond de la vitre étincelante et regardait la cloison de vieil acajou en face de lui ; il devait y voir quelque chose car ses yeux étaient attentifs.